Val-et-Châtillon

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Par Olivier BENA

Le Trou Marmot, 70 ans après

Situé en forêt sur le domaine forestier de la commune de Val-et-Châtillon, « le Trou Marmot » est un coin de clairière qui laisse apparaître les ruines d’une ancienne scierie. C’est à cet endroit bucolique et atemporel que s’est déroulé il y a 70 ans, dans la nuit du 20 au 21 juin 1940 un événement important quelques jours seulement après la capitulation française face à l’ennemi nazi.

En effet, au risque de se faire prendre leur drapeau par l’ennemi, des soldats ont brûlé le drapeau de leur régiment. C’est un signe fort de la résistance qu’ils menaient. Aujourd’hui, il ne reste quelques bribes de l’étendard conservé précieusement par l’Amicale des Anciens du 37ème Régiment d’Infanterie et Forteresse. Chaque année, le samedi le plus proche de la date anniversaire, une cérémonie est organisée au « Trou Marmot », réunissant élus, anciens combattants et membres de l’amicale. Pour connaître plus en détails ce qui s’est passé, voici le témoignage de soldats qui m’a été remis lors d’une cérémonie par le président de l’Amicale des anciens du 37ème Régiment d’Infanterie et Forteresse :

L’obscurité tombe, sinistre dans cette vallée étroite, et nos pensées ne sont pas très gaies, mais personne ne s’est découragé. Il est rendu par téléphone au général que tout est calme.

21 juin 1940 :
Dans la nuit du 20 au 21 juin, de nombreux tirs d’artillerie et de mines sont exécutés par l’ennemi. Ils ont pour objectif la vallée de la Vezouze, du Val et la scierie du Marquis où se trouvent les Sections du Lieutenant Carbasse et, comme nous l’apprendrons plus tard, et le reste de la Compagnie du Capitaine Cauro, qui les a ralliées dans la nuit. Ces tirs quoique très nourris et précis ne leur causent qu’une perte, un homme légèrement blessé au pied par un éclat.

Sur les indications du Commandant Lafon, des éléments du Régiment ont travaillé toute la nuit à aménager le sentier menant au Col de la Charaille et ont construit plusieurs petits ponts de bois qui permettront de tenter l’évacuation des voitures du Régiment, impossible autrement. Au lever du jour, ces travaux sont terminés.

Il fait très beau temps et un soleil magnifique monte peu à peu au-dessus de la vallée, réchauffant les corps transis par le froid de la nuit. Le ruisseau permet de faire un peu de toilette. Le calme règne pour le moment, la matinée avance lentement. L’ennemi est au contact et des coups de feu sont échangés de part et d’autre, quelques rafales d’armes automatiques de loin en loin. Ce calme est inquiétant et l’ennemi prépare sans doute une action. Les patrouilles qui d’heure en heure parcourent les crêtes, ne signalent rien cependant.
Au début de la matinée parvient au P.C. du Régiment notification d’un ordre du 20 juin de la 3ème Armée, enjoignant : de détruire immédiatement les drapeaux, les archives, l’argent, de lâcher les animaux, de s’enfoncer dans les bois, les officiers de prendre les armes automatiques et de s’y défendre jusqu’à épuisement total des munitions. Un tel ordre nous consterne, car il nous révèle l’étendue du désastre de l’armée  française toute entière et le peu d’espoir que conserve son chef dans la défense des troupes encore combattantes. On sent qu’on tente un dernier effort pour sauver l’honneur … Pour le 37ème, l’exécution de cet ordre se limite à la destruction des archives, de l’argent. Pour notre drapeau, le colonel décide d’attendre encore. Si nous pouvions le sauver !

A 11 heures arrive au P.C. du régiment un officier de l’Etat-Major du Général Lescanne, le Capitaine Petetot, qui vient s’enquérir de l’état du 37ème. Le Général est inquiet sur son infanterie. Le Capitaine Petetot passera quatre heures parmi nous, partagera un très frugal déjeuner et constatera que le 37ème est au poste, que les ordres du commandement lui ont assigné et que malgré sa solitude complète devant un ennemi bien supérieur, il est calme, confiant et résolu à remplir toute sa mission. Il veut bien exprimer au Colonel Combet toute son admiration pour notre Régiment dont il connaît la conduite exemplaire.

Il nous quitte à 14h30 au moment où l’ennemi prononce subitement une violente attaque à la fois sur les pentes et dans la vallée avec des forces nombreuses. La fusillade est tout de suite très vive, rafales de mitrailleuses, de mitraillettes et explosion de mines déchirent l’air. La vallée s’anime d’un seul coup. L’ennemi pousse sur tout le front et des éléments de la valeur d’une Compagnie avancent sur la route et ses abords, poussant devant une dizaine d’hommes sans armes, sans veste, les manches de chemise relevées. Une mitrailleuse de la Section de l’Adjudant Lartigau ouvre le feu à 50 m et nettoie la route, les éléments ennemis se dispersent sous bois, mais laissant plusieurs hommes étendus, les commandements en allemand se croisent, visant à l’enlèvement de la mitrailleuse. Leur traduction par les Alsaciens nous prouve l’importance des forces ennemies engagées qui, dans la vallée seule, semblent être d’au moins deux Compagnies en première ligne. L’ennemi tente d’enlever la mitrailleuse, mais est repoussé et ne peut progresser sur la route où il essuie de nouvelles pertes.

Aux ailes, l’effort allemand est très violent et d’autant plus dangereux qu’aussi bien à droite qu’à gauche l’insuffisance des effectifs n’a pas permis de tenir jusqu’aux crêtes et que l’ennemi en profite pour nous déborder des deux côtés. Nos hommes résistent au mieux à coup de F.M., de mousquetons et de grenades. Le combat tourne au corps à corps où les mitraillettes allemandes font des ravages dans nos rangs. Partout les allemands avancent en criant, s’encourageant les uns les autres : « Worwaert, worwaert …. », puis des cris en français venant de leurs rangs « Halte au feu, cessez le feu, ne tirez plus, rendez vous ! Armistice ! La paix est signée …. ». Une confusion extrême règne sous bois où les combattants tourbillonnent étroitement mêlés.

A l’est de la route, le Lieutenant Bonnefoy du 1er Bataillon et ses hommes se battent magnifiquement, mais les mitraillettes allemandes l’abattent, tué net, ainsi que plusieurs des hommes qui l’entourent. La résistance demeure pourtant tenace, mais à l’extrême droite, l’ennemi a débordé et force ainsi nos éléments à se replier. Malheureusement, les Sections les plus avancées ne peuvent se dégager : le Capitaine Longuet, les Lieutenants Bauer, Helbourg, Pierrat, les Aspirants Bouche et Bonhomme, avec quelques hommes qu’ils leur restent résistent de leur mieux, mais entourés de toutes parts finissent par succomber et sont, croyons-nous faits prisonniers. Par contre, les Lieutenants Andres, Lesme, Borie, Lagrange avec leurs hommes ont pu se dégager à temps, et, utilisant les couverts, se replient en direction du Trou Marmot.

    A l’ouest du ruisseau où se trouve le 3ème Bataillon, la situation est analogue. L’ennemi fixant de front nos éléments par des feux nourris de mitraillettes cherchent à dé border notre aile gauche vers les crêtes. Notre dispositif tient cependant sous une grêle de balles. Nos hommes ripostent de leur mieux. L’Adjudant Andrei avec sa section de mitrailleuses interdit toute progression le long du ruisseau, la mêlée est générale. Le Capitaine Sarda, accompagné du Lieutenant Sichere, son adjoint, malgré les balles qui sifflent de toutes parts, encourage debout ses hommes. Il peut se rendre compte de son emplacement de la progression de l’ennemi sur la droite et il envoie au Colonel un compte-rendu le prévenant que le replis sera aussi pour lui bientôt obligatoire. En effet, l’ennemi accentue à nouveau sa pression, les hurlements se mêlent aux crépitements des fusils et aux rafales des mitraillettes et de F.M. « Ne tirez pas ! La paix est signée ! »  entendons-nous crier en français par certains des attaquants. 

Olivier BENA

Merci à Brigitte BIONDI et Christian BOULANGER pour les photos du site.

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