Présence des Sœurs de la Doctrine Chrétienne
à Val-et-Châtillon (1836 – 1963)
La Congrégation des Sœurs de la Doctrine Chrétienne trouve ses origines dans le Toulois à la fin du 17ème siècle. Aujourd’hui, sa présence s’étend sur quatre continents. Sa mission porte en elle une visée éducative qui oriente son service auprès des jeunes, des malades, dans les paroisses ou parmi les plus démunis. C’est par ce biais là qu’à un moment de « notre » histoire, une communauté de quelques sœurs est venue s’implanter à Val-et-Châtillon sur une durée de près de 130 ans.
En 1836, près de 160 enfants sont scolarisés dans notre commune. Les garçons sont confiés à un instituteur tandis que les filles sont regroupées dans une classe attribuée à une sœur de la Doctrine Chrétienne. C’est sœur Bernardine Lamiral qui a en charge l’éducation des filles du village.
En 1843, les demoiselles Catherine Henriette Souhait, préfète de la Congrégation, et sa sœur Marie Louise, sœur de la Doctrine Chrétienne font don d’un autel à l’église. C’est ce qu’indique le texte gravé dans la pierre au pied du maître autel situé dans le fond du chœur de l’église du Val.
Maitre-autel de l’église de Val-et-Châtillon utilisé
jusqu’à la réforme liturgique du Concile Vatican II
En raison du nombre croissant d’enfants et la surcharge évidente des salles de classe, sœur Bernardine sera épaulée de 1837 à 1846 par sœur Jeanne Josèphe Martinet. Cette dernière sera remplacée par sœur Philomène Samson de 1847 à 1865, date à laquelle sœur Bernardine Lamiral quittera également le village où elle resta plus de trente années. De nouvelles religieuses s’installent dans la commune. Il s’agit de sœur Marie Bour, sœur Marie George, sœur Anasthasie Richarmet et enfin sœur Stéphanie Perrin, supérieure de la communauté. La guerre de 1870 approche et la supérieure fait le vœu d’ériger une statue à la Sainte Vierge si la commune était épargnée. Informé de ce souhait après les hostilités, le curé en fit part à la population. Ceux qui le pouvaient apportèrent leurs offrandes. La Grotte fut aménagée tout d’abord dans la cour de l’école des filles avec des pierres venant des carrières de Nonhigny. Le culte voué à Notre Dame de Lourdes remonte à 1876. La statue sera plus tard transférée là où nous la connaissons encore aujourd’hui.
Grotte Notre Dame de Lourdes
En 1881-1882 sont promulguées les lois Ferry instituant en France la gratuité, l’obligation et la laïcité de l’école républicaine. La loi portant sur la laïcisation de l’école aura beaucoup de mal à entrer en vigueur dans notre commune notamment à l’école des filles dirigée depuis 1836 par des religieuses de la Congrégation de la Doctrine Chrétienne. L’enseignement du catéchisme dans les salles de classe est interdit, un comble lorsqu’il s’agit de religieuses qui professent ! Val-et-Châtillon, par l’opiniâtreté de son maire, M. René Veillon, sera un des derniers bastions à résister. En raison de ses convictions religieuses, M. Veillon souhaitait maintenir en place dans sa commune l’ancien système et préférait de loin des enseignantes religieuses à des laïques. Il parvient à traîner des pieds et à mobiliser la population ainsi que les élus municipaux qui donnent leur bénédiction aux souhaits du premier magistrat. Tous les meilleurs arguments sont avancés dans les différents échanges de courrier qu’il entretient avec l’inspecteur primaire et même avec le ministre de l’instruction publique ! Le combat est perdu en 1902 lorsque l’école des filles devient laïque.
Reposoir devant la salle des fêtes
Le 18 juin 1904, sœur Marie décède subitement lors d’une leçon de catéchisme. Ancienne institutrice d’une des classes de filles, elle était devenue aide de l’asile après 1902. Le maire demande à la Supérieure générale de la Congrégation de la remplacer avant qu’une « laïque » n’occupe le poste mais aucune réponse ne lui sera adressée. En novembre de cette même année, les instituteurs demandent, avec l’aval de leur hiérarchie, le retrait des crucifix dans les classes. Cette nouvelle « affaire » choquera profondément le maire et la population.
En mars 1905, le conseil municipal doit délibérer quant à la laïcisation de l’ancêtre de notre école maternelle actuelle. C’est ainsi que s’achève l’ère où les sœurs congréganistes enseignaient. Une parade est trouvée rapidement grâce à la mise en place d’une garderie dirigée par les religieuses. Vexé de cette humiliation, M. Veillon ne jugera pas important de se rendre à une convocation par l’inspecteur primaire à Lunéville.
L’activité religieuse n’en est pas moins intense car presque toutes les filles fréquentent le tout nouveau patronage Notre Dame de Lourdes dirigé par Madame Veillon, secondée par sœur Marie Thérèse, sœur du vénérable père Umbricht. Dans les maigres archives qui subsistent à la maison-mère de la Congrégation à Nancy, on peut retrouver un courrier adressé à la supérieure générale par la supérieure de la communauté du Val dans lequel est décrit tout le programme des activités bien chargé développé par le patronage comme suit en 1908. Chaque dimanche et jour de fêtes, des réunions après les vêpres sont prévues ainsi que des répétitions et des représentations théâtrales. Chaque mardi et vendredi, de 19h30 à 21h, les jeunes filles du patronage reparties en groupe apprennent à coudre, à raccommoder, à repasser et plus tard lorsque les premiers chapitres sont bien assimilés, il y a lieu de mettre en place des leçons de cuisine. Chaque jeudi après-midi, de 13h30 à 17h, c’est le moment de la réunion dite de « l’ouvroir de l’Enfant Jésus » pour les fillettes âgées de 9 à 13 ans, qui sont initiées elles aussi à l’art ménager mais également à l‘histoire sainte et au catéchisme grâce au concours bienveillant de sœur Marie Thérèse et de Madame Veillon. Une « garderie des saints Anges » réunit environ 70 enfants. Fin 1908, on estime la fréquentation du patronage à 170 enfants, fillettes et jeunes filles, dont certaines âgées de plus de vingt ans.
Au décès de Monsieur Veillon, en 1920, sa veuve fait don à la Société Cotonnière de Lorraine de sa propriété avec la promesse qu’elle soit utilisée au fonctionnement du patronage devenu par la suite fondation « René Veillon ».
Sœur Henriette décorée chevalier
du Mérite Social en 1957
En juin 1921, sœur Madeleine Jaeger (1887-1963), originaire du Luxembourg, et plus connue sous le nom de « chère sœur Henriette », arrive dans notre commune où elle restera plus de quarante ans devenant un personnage incontournable des pages récentes de la vie de notre village. Elle fut tour à tour infirmière et supérieure de la communauté. En mai 1957, elle reçut des mains du maire, M. Gratien Lorrain, les insignes de chevalier du Mérite Social en remerciement pour tout le travail accompli en faveur des habitants chez qui elle n’hésitait pas à venir en aide pour les soigner ou les assister nuit et jour. Sœur Henriette sera rejointe ensuite par sœur Angèle Renaud (1908-2002), qui de 1948 à 1958 œuvra auprès des enfants de la garderie. De 1956 jusqu’à la fin de la présence des sœurs, sœur Saint Denis Bernez (1897-1983) s’attela à la charge dédiée aux œuvres paroissiales mais également devint supérieure de la communauté.
En 1963 se tourne une page définitivement avec le départ des trois dernières sœurs qui animaient l’œuvre sociale de la Fondation. C’est ainsi que s’achève la présence de religieuses dans notre commune, venues au départ pour enseigner puis progressivement pour s’occuper de la jeunesse et transmettre à ces nombreuses fillettes et filles l’art d’être une bonne ménagère et une bonne chrétienne. La fondation Veillon, dernier vestige visible de ce passage n’est plus. Dans la nuit du 10-11 décembre 1969, vers minuit, le feu commença à ravager sévèrement la Fondation. L’incendie se propagea rapidement détruisant complètement la bâtisse. Beaucoup de personnes se rendirent sur place pour assister à ce spectacle de désolation. Le lendemain matin, il ne resta plus qu’un tas de cendres de cette institution où beaucoup d’enfants étaient passés.
Sœur Lucienne, une sœur de la Doctrine Chrétienne originaire du Val
C’est à Val-et-Châtillon, son village auquel elle restera attachée si fidèlement tout au long de sa vie, que naît le 18 septembre 1921 Renée Grandidier. Après des études sur les bancs de l’école communale devenue laïque moins de deux décennies auparavant.
Lors de la seconde guerre mondiale, fin août 1943, le maire Louis Canaut décède subitement. Son successeur, Gratien Lorrain, procède à une réorganisation des services de mairie et nomme comme employée la jeune Renée Grandidier, alors âgée de 22 ans. Quelques années plus tard, en 1951, elle entre dans la vie religieuse au sein de la Congrégation des sœurs de la Doctrine Chrétienne. Elle commence par des études entre 1951 et 1953. De 1953 à 1956, elle devient directrice d’une école ménagère à Beaune.
Elle va successivement exercer la même fonction dans différentes villes comme à Nancy entre 1956 et 1959, à Sarrebourg entre 1959 et 1971. De 1971 à 1977, elle est la supérieure d’un pensionnat à Verdun. Elle est rappelée cette année-là à Nancy, comme secrétaire de gestion.
En 1984 et ce pendant douze années jusqu’en 1996, elle sera au service du diocèse de Nancy-Toul. En 1996, elle accède à une autre fonction au sein de sa congrégation puisqu’elle endosse les habits d’économe à la maison de retraite saint Joseph des sœurs de la Doctrine Chrétienne, située à Nancy.
Le 9 juillet 2000, sœur Lucienne entre dans sa Pâque et rejoint Celui à qui elle a remis sa vie quelques mois seulement avant son jubilé. Elle est inhumée trois jours plus tard, le 12 juillet, au cimetière communal de Val-et-Châtillon, revenant ainsi au point de départ « au Val » après une vie bien remplie au service des autres et notamment des jeunes. Toute sa vie, elle a essayé d’être Vraie montrant un grand courage et n’ayant pas peur du travail qui l’attendait.
Olivier BENA
Sources :
"Val-et-Châtillon : son passé – ses gens" de Roger Cornibé.
Archives de la maison-mère de la congrégation située à Nancy : www.doctrine-chretienne.com
Avec la collaboration de Sœur Bernadette DURR : http://www.surlesroutesdeladoc.fr
Fondation « René Veillon »